Printemps 2018
Épuisées : oui. Résignées : non. Appel à la mobilisation!
Les 30 et 31 mai dernier avait lieu la 15e édition du Réseau des jeunes où près de 100 participantes ont pris part aux conférences, activités et autres présentations. Fait à noter, il s’agissait de la 1re édition depuis l’adoption d’une recommandation du comité Jeunes, au congrès de décembre 2017, voulant que le Réseau des jeunes soit dorénavant ouvert aux personnes de 35 ans et moins, plutôt que de 30 ans et moins.
Sous le thème « Épuisées : oui. Résignées : non. Appel à la mobilisation! », ce Réseau avait pour objectif de sensibiliser les jeunes participantes à l’immense pouvoir qu’elles détiennent pour faire changer les choses et améliorer leur quotidien et celui de la population qu’elles côtoient. Comment faire et par quoi commencer pour susciter la mobilisation en nos rangs? Voilà d’importantes questions pour lesquelles les différent-e-s conférencier-ère-s ont tenté d’aiguiller les militantes.
Au cours des derniers mois, l’ampleur de la détresse des professionnelles en soins a été révélée au grand public. Plusieurs membres de la FIQ et de la FIQP ont alors témoigné de leur épuisement et du recul de leurs conditions de travail. Ces nombreuses dénonciations, notamment dans les médias sociaux, ont grandement inspiré les membres du comité Jeunes qui souhaitaient toutefois profiter de ce Réseau pour que soient expliquées leurs multiples implications et conséquences possibles.
La présidente de la FIQ, Nancy Bédard, tenait à être présente et a saisi cette occasion pour échanger avec les jeunes sur un dossier chaud de l’organisation : les ratios professionnelles en soins/patient-e-s. « Ce dossier-là vous appartient. Moi, je suis mandatée par vous pour porter cette lutte-là, pour porter votre voix », a-t-elle rappelé.
Nathalie Lévesque, responsable par intérim du comité Jeunes, a conclu les deux extraordinaires journées du Réseau des jeunes du printemps 2018 en rappelant ceci : « En tant que jeunes professionnelles en soins et jeunes militantes, vous devez faire connaître et exprimer haut et fort votre volonté de changement afin que le gouvernement ainsi que ceux qui dirigent vos milieux de travail soient plus respectueux du travail que vous accomplissez au quotidien pour l’ensemble de la population. Ils doivent aussi être plus respectueux de votre vie personnelle et familiale. N’ayez pas peur de contaminer vos collègues et votre entourage. Prenez la parole et faites-vous entendre! »
Appel à la désobéissance!
La désobéissance est un acte d’affirmation. Un geste de leadership professionnel. Non pas dirigé contre quelque chose, mais pour quelque chose. C’est notre capacité à voir, à critiquer et à dénoncer. Pour les professionnelles en soins, faire preuve de désobéissance, c’est d’abord et avant tout prendre la liberté de dire NON. C’est refuser de pratiquer dans des conditions de travail non sécuritaires, refuser d’être contraintes à offrir des soins de piètre qualité en raison des compressions budgétaires et de la mauvaise gestion.
Voilà le message qu’Amélie Perron, chercheure et professeure en sciences infirmières à l’Université d’Ottawa, a livré aux jeunes militantes du Réseau. En plus de les inviter à demeurer vigilantes et à poser des questions avant d’obéir docilement aux directives des employeurs, madame Perron a fortement incité les participantes à perturber le statu quo du système de santé et à provoquer un changement politique.
Enterrer l’idée de la vocation et du don de soi
Selon Amélie Perron, les employeurs se servent trop souvent des codes de déontologie des professionnelles en soins pour les faire taire. Il est vrai que la société s’attend à une certaine forme de docilité de la part de celles qui prennent soin des patient-e-s. La socialisation des professionnelles en soins, pendant leurs études ou dans leur milieu de travail, ne les incite pas à remettre les choses en question. Pourtant, la désobéissance n’est pas seulement de l’opposition : c’est un droit légitime.
Citant Rosa Luxembourg, militante socialiste et théoricienne marxiste, Amélie Perron a expliqué que « ceux qui ne bougent pas ne réalisent pas qu’ils ont des chaînes ». C’est lorsqu’on commence à ébranler l’ordre établi qu’on prend conscience des contraintes auxquelles nous sommes soumises. Prenons par exemple les professionnelles en soins qui ont reçu des avis disciplinaires pour avoir participé à des sit-in ou à d’autres moyens de pression depuis le début de l’année 2018. Que leur reproche-t-on? D’avoir été désobéissantes? D’avoir été déloyales envers leur employeur? Pourtant, leur seule faute est d’avoir pensé autrement. « Il faut enterrer l’idée de la vocation et du don de soi », a lancé Amélie Perron. « On ne peut continuer à encaisser cela! », a-t-elle poursuivi, en faisant référence à la mauvaise gestion dont les professionnelles en soins font les frais.
Nouvelle gestion publique : pour qui et pourquoi?
La nouvelle gestion publique, qui a fait son apparition dans les établissements de santé du Québec il y a de cela une vingtaine d’années, promettait des modes de gestion plus efficaces des institutions publiques. En gérant la santé à la manière d’une entreprise privée, c’est-à-dire à coups de statistiques, de normes et de mesures de contrôle et d’évaluation, cette nouvelle gestion publique a plutôt dénaturé leur mission. Allouer des ressources en fonction des performances est peut-être une bonne chose dans les domaines de la vente et de la production, mais est-ce réellement approprié lorsqu’on travaille avec des patient-e-s? Les processus de standardisation qui caractérisent maintenant la pratique des professionnelles en soins et les indicateurs de performance comme le taux de roulement de lits sont-ils imposés au bénéfice des patient-e-s ou de celui des gestionnaires? La réponse des participantes du Réseau était assez unanime.
L’idée même de la désobéissance appelle l’esprit critique qui, lui-même, appelle à l’action. Et accroître notre capacité d’action, c’est aussi augmenter notre rapport de force pour changer les choses!
Élections 2018 : quel est le paysage politique actuel?
Lors du plus récent Réseau des jeunes, les participantes ont eu droit à une version abrégée de la formation Petit cours d’autodéfense intellectuelle mise sur pied et offerte par le secteur Sociopolitique de la FIQ. D’entrée de jeu, les jeunes ont été invitées à écrire sur une banderole, en un seul mot, leur définition du terme « politique ». Déception, menteur, hypocrite, etc. : la très grande majorité des mots choisis illustre à merveille le cynisme entretenu au sein du groupe et, fort probablement, dans la population en général à l’égard de la politique. Profitant de cette occasion, Marc Thibault-Bellerose, conseiller syndical au secteur Sociopolitique, a entretenu les participantes de l’impact du politique dans leur quotidien et, surtout, de l’importance de s’en préoccuper.
Après avoir mis en lumière la différence entre le politique et la politique, un bref retour historique a permis aux participantes de mieux comprendre les concepts de la gauche et de la droite et d’échanger sur les valeurs propres à chacun d’eux. Un survol du paysage politique québécois, à l’aube des élections automnales, a ensuite été réalisé. En tenant compte des valeurs liées à la gauche et à la droite et des différentes réalisations des partis politiques québécois au cours des dernières années, les participantes ont alors entrepris de les classer sur une échelle gauche/droite. Elles ont ainsi été à même de constater que le paysage politique n’est pas immuable, qu’il peut changer selon les enjeux de société, mais aussi selon les personnes agissant au sein des différents partis politiques.
L’exercice du droit de vote le 1er octobre prochain est un appel à la mobilisation, puisque les professionnelles en soins ont le pouvoir de choisir qui sera leur nouvel employeur et qui négociera leurs prochaines conditions de travail. Il faut saisir l’opportunité de la prochaine campagne électorale pour se faire entendre.
En terminant, les participantes ont été invitées à revoir et à réviser, au besoin, la définition du mot « politique » qu’elles avaient inscrite sur la banderole en début de formation. Pour plusieurs d’entre elles, ce mot avait une tout autre signification à la fin de la présentation.