Rigueur budgétaire, consolidation budgétaire ou austérité

Pour résorber un déficit de 11 milliards de dollars, le gouvernement de la CAQ met en place des compressions budgétaires et des mesures d’austérité, avec pour objectif un retour à l’équilibre budgétaire d’ici 2028. Dans le réseau de la santé, Santé Québec s’est vu attribuer la tâche de résorber un déficit de 1,5 milliard $ dès mars 2025. Les professionnelles en soins seront donc aux premières loges pour constater les conséquences de ces politiques. 

Actuellement, il est difficile de prédire de quelle manière seront touchés les services publics. Il est donc essentiel que la FIQ et ses syndicats affiliés documentent, analysent et dénoncent les impacts des mesures d’austérité sur les professionnelles en soins, les femmes et les usager-ère-s du RSSS. Particulièrement considérant que les services publics, piliers de l’équité et de la justice sociale, se retrouvent souvent fragilisés au profit du développement des services privés.  

Les mesures d’austérité, discrètement réintroduites par le gouvernement de la CAQ, devront faire l’objet d’une vigilance accrue afin d’évaluer leurs effets.

Le langage de l’austérité : les mots qui cachent les coupes 

Le vocabulaire utilisé par les gouvernements pour parler de leurs décisions budgétaires est choisi pour dissimuler des choix qui pourraient être impopulaires auprès de la population. Ils choisissent des termes difficiles à décoder ou imagés pour couper dans les budgets ou privatiser les services publics par exemple, mais derrière les beaux discours se cachent des réformes et des coupures budgétaires pour lesquelles nous ramassons encore les pots cassés!  

Le respect du budget dans le réseau est « non négociable », mais il va tenter de « minimiser » les impacts sur les services.
Christian Dubé en 2025

« On ne fait pas de coupures paramétriques. […] On fait une analyse extrêmement chirurgicale de chacun des postes budgétaires de tous les ministères. »
Sonia LeBel en 2024

Pas de coupes « paramétriques », seulement de l’« optimisation » budgétaire, alors que le gouvernement voulait « économiser » rapidement plus de 3 milliards de dollars.
Gaétan Barrette en 2014

« Nous allons insuffler un vent d’air frais au Québec. Nous allons ouvrir les fenêtres de notre grande maison. Nous allons nous donner une société dans laquelle nous serons plus libres et plus prospères ».
Jean Charest en 2003 

Le gouvernement semble avoir jeté son dévolu sur l’appellation «discipline budgétaire», en insistant sur le fait que cela ne devra pas affecter les services à la population. Si cet exercice passe par une réduction des services à la population, il s’agit d’austérité et c’est bien ce qui attend la population québécoise pour les prochaines années. Il sera essentiel de rester à l’affût et de documenter ce qui se cache derrière les discours habiles. 

Les gouvernements ne souhaitent pas être tenus responsables des déficits de l’État ni de l’effritement des services publics, ils tentent donc de camoufler le recours aux mesures d’austérité, mais autant la rigueur que la consolidation budgétaire peuvent engendrer des mesures d’austérité. 

Application stricte du principe selon lequel le solde budgétaire de l’État doit être nul chaque année. La loi sur l’équilibre budgétaire est essentiellement issue de ce principe. 

Resserrement du cadre financier, afin de limiter l’ampleur des écarts en fin d’année financière, cela peut notamment s’observer par des réorganisations dans les programmes gouvernementaux ou dans les différentes mesures fiscales. 

Réduction des dépenses de l’État, dans le but d’équilibrer les finances publiques ou de diminuer l’endettement de l’État. Cela peut prendre la forme de compressions budgétaires, d’élimination de programmes, de gels d’embauche ou de coupes de postes. 

Les coupures en quelques chiffres

La mise à jour économique de novembre 2024 ainsi que les plans de réduction des dépenses des employeurs permettent d’identifier quelques coupures, mais ceux-ci pourront changer rapidement au fur et à mesure des annonces. 

L’austérité : un choix politique qui affecte les services publics 

Depuis 35 ans, les politiques économiques sont largement influencées par la Banque mondiale et le « Consensus de Washington », un ensemble de principes élaborés en 1989 par John Williamson. Ces principes encouragent une discipline budgétaire stricte et visent à rendre les États plus compétitifs dans un contexte de mondialisation. Cela passe notamment par la réduction des dépenses publiques, souvent au détriment des services publics, au profit de secteurs jugés plus rentables.   

Au Québec, ces principes ont été appliqués à différents degrés depuis 1990 jusqu’à aujourd’hui.

L’effritement du filet social: impacts sur les femmes et leurs proches

Les impacts négatifs de ces stratégies sur la société ne sont plus à démontrer. Les programmes sociaux et les services publics constituent un filet de sécurité sociale pour assurer une certaine égalité des chances à l’ensemble de la population et, donc, les coupes dans les programmes contribuent à la croissance des inégalités sociales.

Les vulnérabilités des individus sont exacerbées par les mesures d’austérité. Effectivement, un rapport de l’ONU publié il y a quelques années a montré que l’austérité affecte particulièrement les femmes qui sont à la fois plus dépendantes des services publics généralement visés par les politiques d’austérité, mais y sont également surreprésentées au niveau de l’emploi.

Les femmes représentent : 

  • 75 % des effectifs en science de la santé
  • 80 % des salariées qui donnent des soins
  • 75 % des personnes qui séjournent dans les institutions de soins à long terme
  • 75 % des personnes qui donnent des soins aux proches et des bénévoles

Au Québec, entre 2008 et 2016, de nombreuses coupures ont été faites dans les services publics, ce qui a eu un impact sur les emplois où les femmes sont surreprésentées. Le gouvernement de l’époque n’a toutefois pas hésité à investir massivement dans des industries à prédominance masculine, comme le secteur de la construction, dans une perspective de relance économique.

Si le passé est garant de l’avenir, il faut s’attendre à ce que les emplois du care (qui visent à prendre soin des autres) soient les premiers à être visés par une réduction des heures de travail et des pertes d’emploi. Quand les régimes d’austérité sont mis en place, les services de soins qui sont coupés sont délégués aux proches aidantes. Par exemple, durant les années 2000, période particulièrement austère sur le plan économique, le Canada comptait 8,1 millions de proches aidantes qui, selon les estimations, assuraient gratuitement de 70 à 80 % de tous les soins à domicile. Grâce à leur travail, les provinces épargnaient quelque 24 à 31 milliards de dollars par année.

L’histoire nous montre donc que ce sont les femmes qui subissent les conséquences économiques, physiques et mentales de l’austérité. Ainsi, dans le domaine des soins, une attention devra être portée sur les effets particuliers que subissent les femmes et leurs proches en contexte d’austérité.

La contestation de l’austérité est une revendication portée depuis les années 90 par le mouvement des femmes et s’inscrit dans la défense des services publics. C’est collectivement que les syndicats de la FIQ doivent s’y attaquer!