Automne 2017
Les femmes face à la violence organisationnelle
La FIQ, comme organisation féministe, s’est donné comme mission d’aborder les enjeux vécus par les femmes au sein de son organisation. La violence au travail, comme tout type de violence, est un phénomène influencé par la socialisation genrée et les stéréotypes sexistes. Les militantes du Réseau des femmes se sont donc réunies les 24 et 25 octobre derniers pour discuter de violence organisationnelle sous l’angle féministe. Ce type de violence se manifeste entre des personnes qui ont un lien d’emploi, comme les gestionnaires et nos membres. Il peut survenir également entre deux collègues lorsque les conditions de travail ne sont pas optimales, comme fardeau de tâche, heure supplémentaire obligatoire vs conciliation famille-travail-études, réorganisation du réseau, etc. La FIQ dénonce régulièrement ce genre de situations. Les conférences, ateliers et plénières prévus durant ce Réseau ont donc permis aux militantes de faire le point et de s’outiller.
« Nous devons malheureusement aborder ce thème difficile en même temps que nous vivons la vague #moiaussi. Il n’est pas toujours facile d’en parler, mais il faut se donner les outils pour briser le silence », a expliqué dans son mot d’ouverture Linda Lapointe, responsable politique du secteur Condition féminine. Elle a aussi précisé que les dénonciations doivent se faire sur une base volontaire.
La problématique de la violence au travail ne date pas d’hier. En effet, dès le premier congrès de la FIIQ il y a 30 ans, le besoin de se pencher sur la violence vécue par les professionnelles en soins avait été exprimé. Une vaste enquête avait même confirmé que près de 90 % de nos membres ont subi un épisode de violence au cours de leur carrière.
« Qu’elle soit verbale, psychologique, physique ou sexuelle, la violence est inacceptable. En se mobilisant collectivement, on se donne le pouvoir de la dénoncer et on confère au « NON » collectif tout un sens et une force inestimables », a conclu Linda Lapointe.
Violence organisationnelle : quels constats pour le réseau de la santé?
Un des objectifs du dernier Réseau était de créer un espace pour que les femmes puissent discuter de la violence dont elles sont témoins ou font l’objet dans le cadre de leur travail. Les ateliers ont été une belle occasion pour constater que les exemples ne manquent pas. En effet, les militantes présentes ont parlé des nombreuses situations auxquelles elles doivent faire face : intimidation, clivage, jalousie, humiliation, surveillance accrue, retenue d’informations créant des situations dangereuses, etc.
La conférence d’Isabelle St-Pierre, professeure et chercheure en sciences infirmières à l’Université du Québec en Outaouais, a permis de remarquer que plusieurs cas amenés par les femmes présentes avaient aussi été relevés par la recherche. Les membres ont également échangé avec Mme St-Pierre sur les facteurs contribuant au phénomène du non-dit ainsi que sur les impacts des structures de travail sur l’apparition ou le maintien des situations de violence.
Une fois l’ampleur du phénomène constaté, il ne restait qu’une avenue possible : agir!
Agir en utilisant des stratégies féministes!
La violence en milieu de travail, comme toutes les formes de violence que peuvent vivre les femmes, est influencée par la socialisation, c’est-à-dire l’apprentissage des rôles et responsabilités attribués à leur sexe. Les stéréotypes sexistes et sexuels sont un moyen par lequel on peut faire ces apprentissages. De cette manière, ils sont également à considérer lorsqu’on s’intéresse aux enjeux liés à la violence.
Par conséquent, outre les outils déjà à la disposition des membres comme les griefs ou le formulaire de soins sécuritaires, les stratégies proposées pour contrer la violence doivent inclure des stratégies féministes qui ont déjà fait leurs preuves. Les concepts-clés à retenir sont : briser le silence, fixer ses limites, être solidaire et se mobiliser. Avec l’aide et l’énergie de Guylaine Martel, formatrice en autodéfense, les participantes ont appris des trucs concrets pour appliquer ces idées.
Par ailleurs, chacune des participantes a pris un engagement envers elle-même et l’a inscrit sur une bannière qui sera redéployée lors de prochaines activités de mobilisation.
Se mobiliser, ici et ailleurs, contre la violence
Lutter contre la violence, ça se passe par la mobilisation. Les exemples d’actions à l’échelle internationale sont nombreux et peuvent nous inspirer. Le comité Condition féminine a présenté les luttes et actions de plusieurs femmes à travers le monde. Du Liban, en passant par le Rwanda ou l’Islande, des femmes ont uni leurs forces pour dénoncer des situations qu’elles vivaient. Elles ont laissé libre cours à leur imagination pour prendre action : confection de robes de mariées en papier pour dénoncer la possibilité des violeurs d’échapper à la justice en épousant leur victime (Liban), création de nouveaux organismes pour venir en aide aux femmes victimes de l’utilisation du viol comme arme de guerre (Rwanda), arrêt de leur travail à l’heure exacte où elles cessent d’être payées au même titre que leurs collègues masculins (Islande), etc.
Plus près de chez nous, comment oublier la vague déferlante qu’a été le mouvement de dénonciation #moiaussi qui a débuté dans la semaine précédant la tenue du Réseau ? Outre l’appui donné publiquement aux victimes par la FIQ, il fallait se mobiliser pour cet enjeu! Pour se faire, le comité Condition féminine a proposé une déclaration aux militantes du Réseau des femmes. Comme elle a été endossée par les militantes présentes, la prochaine étape sera de la présenter à la délégation du congrès 2017.