Sur le terrain, les problèmes que vivent les professionnelles en soins relèvent souvent de la SST. Nous avons choisi de traiter plus particulièrement :  

  • Des longues heures de travail  
  • Du travail en sous-effectif 
  • De la violence au travail 

La Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) offre un cadre pour mener les travaux en prévention des risques. 

L’objectif de la loi est « l’élimination à la source même des dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique et psychique des travailleurs ». En prévention, on ne peut donc pas se limiter à des mesures d’atténuation ou de compensation du risque. Dans la pratique, il faut suivre cette hiérarchie des moyens de préventions.

La LSST précise les obligations générales de l’employeur. L’employeur a notamment l’obligation de :  

  •  s’assurer que l’organisation du travail et les méthodes et techniques utilisées pour l’accomplir sont sécuritaires et ne portent pas atteinte à la santé du travailleur;
    (…)
  •  utiliser les méthodes et techniques visant à identifier, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la santé et la sécurité du travailleur;
    (…)
  •  informer adéquatement le travailleur sur les risques reliés à son travail et lui assurer la formation, l’entraînement et la supervision appropriés afin de faire en sorte que le travailleur ait l’habileté et les connaissances requises pour accomplir de façon sécuritaire le travail qui lui est confié;
    (…)
  • 16° prendre les mesures pour assurer la protection du travailleur exposé sur les lieux de travail à une situation de violence physique ou psychologique, incluant la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel. (…) 

La LSST prévoit aussi que les travailleuses ont une obligation de « participer à l’identification et à l’élimination des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles sur le lieu de travail ». En SST, la voix des professionnelles en soins doit donc être entendue!

Traiter des problèmes dans le cadre d’une démarche de prévention en SST nous oblige à faire preuve de proactivité, de collaboration et de diligence. Autrement dit : on ne peut pas se traîner les pieds!

Les longues heures de travail

Sans surprise, plusieurs risques à la SST sont associés à de longues heures de travail. D’ailleurs, le fait d’accumuler plusieurs heures en temps supplémentaire, même volontairement, comporte aussi son lot de risques.  

Les longues heures de travail entraînent une importante fatigue chez les professionnelles en soins. Cette fatigue est un risque à la santé et à la sécurité. En 2019, la FIQ a produit un document sur la prévention de la fatigue 

On comprend que les longues heures de travail, plus qu’un simple inconvénient, peuvent constituer un risque important à la SST!  

La fatigue affecte d’ailleurs négativement :  

  • Notre fonctionnement physique et mental 
  • Notre jugement et notre concentration, accentuant la prise de risques 
  • Notre motivation 
  • Notre temps de réaction 

Une fatigue importante se traduit par une augmentation des probabilités de subir un accident de travail. Prendre en charge la fatigue, c’est donc réduire l’ensemble des autres risques à la SST. 

Pour les professionnelles en soins, savoir reconnaître certains signes de la fatigue est essentiel pour mettre leurs limites. Les signes les plus évidents sont : 

  • Une efficacité et une performance diminuées 
  • Un relâchement de l’attention 
  • Une augmentation des erreurs d’omission 
  • Des bâillements et de l’endormissement  
  • Une sensation d’épuisement et l’irritabilité 

La conciliation vie personnelle-travail constitue un autre enjeu SST majeur, accentué par les longues heures de travail. Il s’agit d’une dimension importante du climat de sécurité psychosociale dans l’organisation. Une incapacité pour les travailleuses de concilier ces deux sphères de vie peut se traduire en risque pour la santé. 

Une étude menée auprès de travailleuses de la santé durant la seconde vague de la COVID-19 révèle que près du quart des répondantes trouvaient difficile de concilier obligations personnelles et professionnelles. Par ailleurs, le risque de vivre de la détresse psychologique est plus élevé chez les travailleuses qui peinent à maintenir un équilibre entre la vie personnelle et professionnelle. Les impacts négatifs sur la santé d’une difficile conciliation vie personnelle-travail s’expliquent notamment par le fait que ces personnes feraient face à des exigences élevées dans ce double rôle et auraient un nombre d’heures de loisirs et de repos insuffisant. Ceci peut entraîner de la détresse psychologique, des symptômes dépressifs et du présentéisme 

Le travail en sous-effectif 

Le travail en sous-effectif est une réalité pour un grand nombre de professionnelles en soins. Il s’agit d’un phénomène causé par la pénurie de bonnes conditions de travail qui génère la pénurie de professionnelles en soins. 

La surcharge de travail est un autre élément pouvant comporter des risques à la SST. Selon l’INSPQ, la charge de travail réfère à la quantité de travail à accomplir, aux exigences intellectuelles requises et aux contraintes de temps à respecter. Il va de soi que la charge de travail augmente en présence d’une équipe de soins incomplète.  

Une pression constante vers l’intensification du travail se manifeste. Dans nos milieux de soins, le processus d’intensification est en partie causé par le manque de ressources investies par l’État dans les services publics. Cette pénurie de ressources entraîne l’intensification du travail et amène les employeurs à adopter des modes d’organisation du travail plus contraignants et exigeants pour les professionnelles en soins. 

L’objectif est de toujours faire plus avec moins. La méthode Lean en est un exemple. À travers l’intensification du travail, l’accroissement de la pression pour atteindre des objectifs irréalistes peut mener à un mal-être au travail et à la détresse chez les professionnelles en soins. La surcharge de travail a une influence sur la santé. Des liens sont d’ailleurs démontrés entre la surcharge de travail et les maladies mentales, musculosquelettiques et cardiovasculaires.  

En matière de charge de travail, il faut aussi considérer la notion de « complexité » du travail. Les professionnelles en soins, en plus d’avoir à travailler rapidement et en sous-effectif, doivent exercer simultanément des fonctions extrêmement complexes (préparer des médicaments, répondre à des demandes des usager-ère-s et de leurs familles, réviser et rédiger des notes, réaliser des examens et des évaluations, etc.). 

Les facteurs suivants peuvent accroître la surcharge de travail (intensité et complexité) dans les milieux de soins : 

  • Contrainte de rythme/objectifs : l’employeur exige que les professionnelles en soins prennent en charge un certain nombre d’usager-ère-s et complètent un certain nombre de soins dans un temps imparti, le tout sans allouer les ressources suffisantes pour accomplir sécuritairement l’ensemble des tâches. 
  • Lourdes responsabilités : la responsabilité de donner des soins est lourde à porter; les erreurs peuvent avoir des conséquences importantes sur la santé des usager-ère-s. 
  • Instructions contradictoires : les directives des employeurs, le code de déontologie, les demandes des usager-ère-s et la collaboration avec les médecins sont autant d’éléments pouvant occasionner des demandes et des instructions contradictoires. Par exemple : on demande aux professionnelles en soins de prodiguer des soins de qualité sans leur allouer les ressources pour le faire; on leur demande de prioriser les soins à donner dans un contexte de surcharge alors qu’ailleurs, les employeurs infligent des mesures disciplinaires et administratives pour des soins non faits. Souvent, les professionnelles en soins se retrouvent prises entre l’arbre et l’écorce. 

Le travail en sous-effectif peut aussi générer des conflits de valeurs chez les professionnelles en soins. Les conflits de valeurs peuvent être exacerbés non seulement par le travail en sous-effectif, mais aussi par les longues heures de travail. Ces conflits se déclenchent lorsque la volonté d’offrir des soins de qualité se heurte au manque de ressources disponibles pour offrir ces soins. La professionnelle en soins doit alors agir en contradiction avec ses valeurs. En 2017, la FIQ a produit un document sur la prévention de la détresse morale qui reprend plusieurs éléments de la notion de conflit de valeurs. 

Ces conflits constituent un risque à la santé psychologique. Pour les professionnelles en soins, dont l’identité professionnelle et l’expertise reposent sur la capacité à prodiguer des soins, les conflits de valeurs peuvent être particulièrement difficiles à vivre. Le conflit de valeurs est un risque avec lequel composent les professionnelles en soins depuis longtemps. Par exemple, le conflit de valeurs était l’un des facteurs accentuant la détresse psychologique des travailleuses de la santé durant la seconde vague de la COVID-19. 

Les professionnelles en soins exposées aux conflits de valeurs sur une longue période peuvent en venir à adopter des comportements néfastes pour elles-mêmes, leur santé et leur sécurité : 

  • L’hyperactivité pour compenser le manque de temps et de ressources : peut engendrer de l’épuisement 
  • Le cynisme pour se détacher émotionnellement du conflit de valeurs qui les affecte : peut engendrer de la détresse et des comportements négatifs au sein de l’équipe de soins 

Finalement, le travail en sous-effectif, à l’instar des longues heures de travail, peut contribuer à l’apparition de troubles musculosquelettiques. La charge de travail et le stress entraînent des réactions comportementales chez les professionnelles en soins pour faire face à ce stress. Ce sont ces réactions comportementales qui peuvent favoriser l’apparition de TMS : 

  • Le manque de temps oblige les professionnelles en soins à réaliser certaines tâches sans prendre les précautions nécessaires (par exemple, appliquer le PDSP), ce qui peut engendrer des risques de développer des TMS 
  • Les facteurs de risques psychosociaux peuvent amener les travailleuses à adopter un mode de vie plus sédentaire et moins sain, ce qui les rend plus vulnérables aux TMS 
  • La charge de travail contraint les professionnelles en soins à omettre leurs pauses, empêchant ainsi le repos et la récupération, ce qui entraîne le développement de TMS 
  • Le stress entraîne une contraction involontaire des muscles qui peut contribuer au développement de TMS 

La violence au travail

Dans le milieu de la santé où évoluent les professionnelles en soins, la violence est souvent banalisée. Pour certaines, la violence fait même « partie du métier ». S’il est vrai que prodiguer des soins à des personnes vulnérables peut exposer les professionnelles en soins à des risques d’agressions, cela ne signifie pas que la violence doit être normalisée. Au contraire, la violence est un risque à la SST à part entière et, comme pour les autres risques, il est primordial de travailler à éliminer ou à réduire le risque à la source. D’ailleurs, le jugement clinique que peuvent porter les professionnelles en soins est fondamental pour bien identifier les risques de violence provenant des usager-ère-s. 

Selon l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur affaires sociales (ASSTSAS), les conséquences possibles de l’incivilité sur la santé sont les suivantes : 

Adoption de comportements
d’incivilité (pour rendre la pareille)

Augmentation du doute de soi,
de la passivité

Augmentation des
émotions négatives

Diminution de la capacité à récupérer après une journée de travail

Diminution de la satisfaction
au travail

Augmentation de la détresse et
diminution du bien-être

Augmentation de
l’intention de quitter

Diminution de l’engagement et
de la prestation au travail

Augmentation du risque
d’épuisement professionnel

L’inconfort et la contrainte thermique sont des enjeux sérieux auxquels sont confrontées les professionnelles en soins dans plusieurs milieux de travail. En cas d’éclosion, la chaleur ajoute nécessairement son lot de difficultés supplémentaires.

Voici une série de moyens permettant de minimiser les risques et les inconforts que représente la chaleur dans vos milieux de travail. La meilleure manière de mettre en place ces moyens réside dans l’action collective des professionnelles en soins elles-mêmes. N’hésitez pas à contacter votre équipe syndicale pour vous accompagner et agir collectivement.

En contexte d’éclosion d’un bioaérosol

Durant la période estivale, il est d’usage d’ouvrir les fenêtres pour permettre une ventilation naturelle lorsque la température extérieure est plus fraîche que la température intérieure. Cependant, il est recommandé de :

Vérifier avec le service de prévention et contrôle des infections (PCI).

Ce type de pratique peut poser des risques particuliers étant donné les courants d’air générés et la transmission aérosol en question. Une vérification doit être effectuée avant de procéder à l’installation de ventilateurs, de climatiseurs ou de déshumidificateurs.

Le port prolongé des ÉPI peut compliquer l’hydratation et réduire la capacité du corps humaine à réguler sa température. Dans ce contexte, la FIQ croit qu’il est de la responsabilité de l’employeur de prévoir une organisation du travail assurant la sécurité des professionnelles en soins. Ce dernier peut :

  • Augmenter le nombre de pauses,
  • Octroyer le temps nécessaire pour s’hydrater
  • Réduire la charge de travail.
Ce que devraient prévoir les employeurs
  • Dans le respect des règles PCI, si possible, climatiser le milieu de travail ou une section de celui-ci (climatisation centrale, climatisation portative, ventilateur).
  • Prévoir des moyens de limiter l’entrée des rayons de soleil dans le milieu de travail et laisser les fenêtres fermées lorsque la température extérieure est plus élevée que celle de l’intérieur.
  • Limiter l’utilisation d’appareils ou d’équipements émettant de la chaleur.
  • Faire réellement l’exercice paritaire de penser une organisation du travail permettant de travailler en sécurité à la chaleur.
  • Prendre les moyens nécessaires pour sensibiliser et former sur les risques associés à la chaleur, sur les symptômes associés aux coups de chaleur et sur les stratégies à déployer pour éliminer ou réduire ces risques.
  • Rendre disponible un endroit frais et aéré pour permettre de prendre des pauses dans un environnement reposant et tempéré.
  • Revoir l’organisation du travail pour permettre de prendre des micropauses et des pauses supplémentaires en situation de chaleur. Selon un sondage réalisé par l’ASSTSAS, 83 % des établissements sondés déploieraient des mesures d’alternance travail-repos.
  • Revoir l’organisation du travail pour réduire le rythme et l’intensité du travail. Par exemple, en réservant les tâches les plus exigeantes pour les périodes plus fraîches ou en bonifiant la composition des équipes de travail (ex. : ajout de professionnelles en soins pour couvrir les périodes de pauses ou ajout de personnel auxiliaire). Selon un sondage réalisé par l’ASSTSAS, 83 % des établissements affirment mettre en place un allègement de la charge de travail.
  • Permettre un accès en tout temps à de l’eau fraîche et organiser le travail de façon à pouvoir s’hydrater aussi souvent que nécessaire. C’est un enjeu délicat, surtout en contexte de surcharge de travail (manque de temps pour s’hydrater) et de port d’ÉPI.
  • Former adéquatement sur les ÉPI pour permettre de s’hydrater de manière sécuritaire sans s’autocontaminer.
  • Rendre disponibles des ÉPI rafraîchissants (bandeau ou collier rafraîchissant). Ces ÉPI devraient être pour usage personnel et non échangé entre les professionnelles en soins.
  • Permettre des accommodements aux professionnelles en soins plus vulnérables à la chaleur dans un contexte de situation médicale ou personnelle particulière. Ces facteurs personnels peuvent être par exemple la prise de certains médicaments, des antécédents de coups de chaleur, l’occurrence du temps supplémentaire (TS ou TSO), une certaine condition physique ou médicale, etc.
  • Évaluer la possibilité de déployer des stratégies auxiliaires pour diminuer l’inconfort des masques N95 qui peut être exacerbé par la chaleur. Par exemple, l’ajout de lignes autocollantes sous le masque (si elles ne compromettent pas l’étanchéité) ou l’utilisation de certaines crèmes hydratantes peuvent aussi être envisagés.
Ce que vous devriez prévoir

Boire 250 ml d’eau fraîche toutes les 20 minutes. Plus si vous répondez aux critères énoncés dans la charte proposée par la CNESST. Jamais plus de 1,5 litre d’eau à l’heure.

Favoriser les repas légers et frais.

Discuter avec vos collègues et contacter votre équipe syndicale si l’inconfort ou la contrainte thermique ne sont pas des enjeux pris en charge sérieusement par l’employeur. Aider l’employeur et votre équipe syndicale à identifier les risques et les moyens de les minimiser.

Aviser immédiatement un-e représentant-e de l’employeur, puis cesser de travailler en cas de symptômes de coups de chaleur ou annonçant un coup de chaleur : absence de transpiration, peau chaude et sèche, propos incohérent, perte d’équilibre, somnolence, nausée, perte de conscience, convulsion. Si vous observez ces symptômes chez une collègue, avisez immédiatement votre supérieur-e immédiat-e.

Important

La CNESST propose une méthode pour mesurer la chaleur sur un milieu de travail et adapter le travail en fonction du danger. Selon le niveau de chaleur et l’intensité du travail, une certaine fréquence d’hydratation et de repos est proposée. La mesure de la chaleur et la détermination des actions à entreprendre doit tenir compte :

  • De l’humidité relative. Le taux d’humidité relative d’un bâtiment de soins de santé devrait se situer généralement entre 30 à 60 %;
  • Des équipements de protection individuelle portée. Les équipements imperméables ou laissant peut échapper la sueur augmentent les contraintes thermiques (blouse, gants, masque, visière);
  • Des efforts réalisés. Règle générale, travailler assis ou debout en réalisant des activités légères (ex. : prise de signes vitaux) est considéré du travail léger. Travailler debout dans un rythme soutenu en effectuant des tâches plus exigeantes (ex. : soins d’hygiène ou mobilisation de patient-e-s) constitue du travail d’intensité moyenne.

Lorsque vous travaillez dans un environnement atteignant une certaine température, vous devez appliquer les recommandations de la CNESST et l’employeur doit vous le permettre. En cas de problème, consultez immédiatement votre équipe syndicale.

Pour appliquer l’échelle de chaleur de la CNESST, la prise de la température devrait se faire :

  • Avec un thermomètre et un hygromètre;
  • Paritairement avec le syndicat au moment de prendre la mesure;
  • À une fréquence convenue avec le syndicat;
  • De manière à consigner le résultat dans un registre.